La réaction des autorités civiles : du soutien aristocratique à l’inquiétude monarchique
Une réforme appuyée par les élites au début
Au début de la réforme, Port-Royal jouit d’un cercle de protecteurs puissants : les familles de la noblesse de robe, les magistrats du Parlement de Paris, mais aussi certaines branches de l’aristocratie provinciale. Catherine de Gonzague, duchesse de Longueville, protectrice influente, médiatise auprès de la cour la réputation de vertu du couvent.
Cet ancrage favorise un temps la réforme. Le roi Louis XIII, par l’intermédiaire de Richelieu, adresse en 1636 d’éloquents témoignages de satisfaction aux communautés qui incarnent l’idéal tridentin. La maison royale finance l’achèvement de certains bâtiments, tandis que de familles désirent placer leurs filles dans un monastère à la réputation intransigeante.
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1634 : la réforme est citée en modèle lors de la réunion générale des Ordres monastiques, à la demande du Conseil du Roi (source : archives du Parlement de Paris).
Intrigues et peur de l'indépendance religieuse
Progressivement, la centralisation du pouvoir monarchique et l’émergence d’une conception politico-religieuse du royaume de France changent la donne. Les couvents qui jouissent d’une trop grande autonomie inquiètent Richelieu, Mazarin puis Louis XIV, soucieux de contrôler la vie morale du royaume aussi bien que ses finances.
Les « Messieurs de Port-Royal », issus pour beaucoup du milieu parlementaire, sont soupçonnés de fomenter, sinon un parti religieux, du moins un foyer de dissidence morale. Dans un contexte déjà marqué par la Fronde, les autorités civiles associent partiellement Port-Royal à un certain gallicanisme — une forme d’indépendance vis-à-vis de Rome, mais aussi de la monarchie absolue.
- 1661 : le nouveau gouvernement de Louis XIV entame une politique de contrôle accru des établissements religieux autonomes. Port-Royal est mis sous étroite surveillance.
- Entre 1664 et 1666 : la Commission des Réguliers ordonne des enquêtes sur les finances et le recrutement du monastère.
Simultanément, les liens entre Port-Royal et les magistrats du Parlement, qui sont de plus en plus à distance du pouvoir royal, alourdissent le soupçon d’un « État dans l’État ».