Un christianisme de l’intériorité : singularité de la spiritualité janséniste
L’accent sur la grâce et la prédestination
La spiritualité janséniste est d’abord marquée par l’affirmation de la toute-puissance de la grâce divine. Inspiré par saint Augustin, Jansen affirme que la nature humaine, corrompue par le péché, ne peut rien sans l’intervention gratuite de Dieu.
- Le salut n’est donc ni automatique ni universel, ni accessible par les seules œuvres, la volonté ou les rituels.
- Le mystère de l’élection — certain(e)s sont choisi(e)s par Dieu pour recevoir la grâce efficace — suscite chez les croyants un sentiment d’humilité, dépouillé de toute présomption personnelle.
Cette doctrine, suspectée d’affinité avec le calvinisme, va placer les jansénistes sous la surveillance constante de Rome (bulle Unigenitus, 1713) et du pouvoir royal.
La pratique de la confession et de la communion « rare »
Contrairement à la spiritualité tridentine, qui prône des pratiques régulières, Port-Royal institue une communion mesurée et vécue comme redoutable rencontre avec le mystère divin. L’abbé de Saint-Cyran, directeur spirituel majeur de Port-Royal, recommandait d’ « attendre patiemment la grâce » et d’éviter la routine sacramentelle. Selon l’enquête du chanoine Jérôme Besoigne, à Port-Royal on ne communie, en moyenne, que deux à trois fois par an (Sources: P. Goubert, , Fayard, 1984).
L’importance de la lecture et de la méditation
Si la récitation mécanique des dévotions est suspecte de « mollesse », le jansénisme privilégie l’exercice intellectuel du discernement spirituel. Les Lettres chrétiennes et les Réflexions morales d’Antoine Arnauld ou de Nicole irriguent une culture du questionnement et du rapport libre à l’Écriture sainte. À Port-Royal, on recopie et médite inlassablement la Bible et les Pères de l’Église, en particulier saint Augustin – on comptait dans la bibliothèque de l’abbaye plus de 470 ouvrages patristiques au début du XVIII siècle (Archives nationales : F19 7175).